"La protection de la vie sous toutes ses formes
est l'objectif premier des peuples autochtones."
Un message des Autorités traditionnels autochtones de Colombie
Gobierno Mayor
Le mouvement autochtone colombien est né de la convergence des luttes des peuples premiers et de l’union des efforts de leurs autorités traditionnelles. Notre but est d’assurer le respect de nos territoires ancestraux à travers une biogouvernance territoriale conforme aux normes ancestrales.
Cependant, ces derniers mois, tous les efforts que nous avons effectués pour la défense des droits des communautés et de leurs territoires ancestraux ont été mis à mal par la multiplication des assassinats de nos leaders et de nos autorités traditionnelles. En effet, depuis l’élection d’Iván Duque à la présidence de la Colombie en août dernier, 63 des nôtres ont perdu la vie. Lorsque vous lirez ces lignes, ce chiffre aura sans aucun doute augmenté.
Malgré les violences dont nous sommes victimes, nous continuerons de lutter pour la survie de nos communautés et pour la défense de l’harmonie et de l’équilibre de la Terre mère.
Nous continuerons de nous opposer aux violences qu’elle subit : aux mégaprojets, hydroélectriques et pétrolifères, au système de fracturation hydraulique (fracking); à la déforestation et à la contamination des cours d’eau, des mers et de l’atmosphère; à l’exploitation minière illégale, à l’utilisation du mercure, du cyanure et du glyphosate…
Et parce qu’être un leader social en Colombie ne peut et ne doit pas être synonyme de mort, nous continuerons d’élever nos voix pour ceux et celles frappés par le désespoir et l’injustice.
La lutte pour la protection des peuples autochtones se doit de continuer. Nous sommes les gardiens de 30% du territoire colombien, un immense territoire d’où provient l’eau qui donne vie au pays et d’où né l’air pur qui nous permet de continuer à combattre le réchauffement climatique.
C’est pour cela que nous réitérons notre désir de co-construire un pays de paix pour toutes et tous les Colombiens, un pays qui protège la vie et la richesse culturelle des peuples autochtones et de leurs territoires.
À travers nos pratiques ancestrales, nos traditions et nos connaissances, nous continuerons de semer l’espoir pour les générations actuelles et futures de ce monde.
Le développement que recherchent ce système et ces
gouvernements se produit au prix du sang de la Terre mère."
Ce qui est en jeu
La Colombie est le second pays contenant le plus de biodiversité dans notre planète. Et pourtant, depuis l’élection d’Iván Duque à la présidence en août 2018, 204 leaders sociaux et environnementaux ont été assassinés, 71.08% d’entre eux l’ont été pour leur engagement à la cause environnemental.
Les peuples autochtones, en tant que gardiens de 30% du territoire colombien, sont sur le front de ce combat pour la protection de la Mère terre. Un chiffre souligne cela, depuis l’élection présidentielle, 63 de leurs leaders ont été assassinés.
En parallèle, le gouvernement menace de réforme le cadre juridique qui protège les peuples autochtones et leurs territoires. Le message est clair, tout sera fait pour exploiter les ressources naturelles de la Colombie.
Loi sur la terre
La réforme de la Loi sur la terre promeut la concentration des terres pour ceux et celles qui détiennent le capital nécessaire à leur exploitation:
- Article 10 - les terres inoccupées, qui étaient jusque là réservées aux communautés défavorisées et/ou sans terre, pourront être allouées aux porteurs de projets jugés d’utilité publique, entre autres, compagnies minières, pétrolifères, hydroélectriques…
- Article 2 - ce nouveau projet de loi vise à mettre en place des Zones Stratégiques d’Intérêt Agricoles, où le développement intégral des activités économiques rurales sera privilégié à toute autre activité économique et disposera d’une protection spéciale.
- Articles 15, 16 et 25 - déclarent, quant à eux, que tout territoire inoccupé jugé d’utilité publique ne pourra être octroyé aux communautés, car réservés pour le développement économique.
- Article 79 - définis une hiérarchie sociale, environnementale et territoriale des zones inoccupées qui favorisent les grandes entreprises du secteur minier et de l’agro-industrie au détriment des minorités.
Ainsi, ce projet de réforme de la loi sur la terre renforce un processus déjà entamé avec la mise en place des ZIDRES (Zone d’intérêt d’utilité publique et d’intérêts sociaux). En effet, 30 millions d’hectares seront bientôt rendus disponibles aux projets jugés d’intérêt public.
L’objectif final est de favoriser l’arrivée de fonds étrangers qui auront pour conséquence de diminuer les terres disponibles aux communautés locales.
National Plan for Development
Le plan national de développement vise à approfondir le modèle d’extraction minière et de l’agro-industrie.
- Tracé d’une Zone Stratégique Minière qui inclut 20 millions d’hectares dans les départements de la zone orientale, andine et du Choco.
- Faciliter l’attribution des plus de 9000 sollicitudes minière que l’Agence National Minière a déjà reçue. Par exemple, les entreprises minières et énergétiques pourront soustraire 50% de leurs revenus à l’impôt si ces dernières les réinvestissent dans des projets.
- Article 181 du plan national de développement - afin de mettre en place son projet ambitieux, le président compte se doter de pouvoirs extraordinaires qui lui permettront de créer et de modifier des entités publiques durant six mois.
L’objectif de ce Plan National de Développement n’est autre que le développement industriel et économique des zones rurales de la Colombie. Ce processus a déjà été déclenché, en effet, le dernier semestre de 2018 a vu la déforestation de l’amazone colombienne augmentée de 75%.
La consultation Populaire
La consultation Populaire est un mécanisme de référendum citoyen, qui permettait jusque là à toute communauté de refuser l’exploitation de son territoire par des multinationales de l’agro-industrie et du secteur minier.
- Désormais, lorsqu’un consensus n’est pas atteint entre l’entreprise et les communautés concernées, l’entité gouvernementale (ANLA) sera chargée de prendre la décision définitive - Cette décision sera déterminée par un test de proportionnalité opposant les impacts aux gains.
- Les communautés qui pourront faire appel au droit de consultation populaire seront définies dans un registre unique des peuples.
- La réforme détermine que le processus d’attribution de licence environnementale (prérequis à toute exploitation d’un territoire) pourra se faire en parallèle et non plus après la consultation populaire. De la même manière, les sollicitant seront chargés de trouver l’endroit de leur exploitation ainsi que d’en définir les contours.
Ces changements législatifs entérineront les pouvoirs des organismes environnementaux et des communautés locales, faisant de ces entités des obstacles au développement et à la mise en place rapide et efficace de mégaprojets.